La garde de nuit à l’Yser

Mercredi 12 février 2014

La garde de nuit à l’Yser (1914) Paroles Ernest Genval, musique Lucien Boyer, harmonisation Jean Férole


1
Un rien de lumière, lueur éphémère,
Rampe encore sur terre au long des boyaux ;
La nuit tombe, tombe, apprêtant la tombe,
Et la mort en trombe pour bien des héros.

2
C’est l’heure indicible où l’humaine cible
Frissonne impassible au fond de son cœur,
Et c’est l’heure obscure où sous notre armure
S’insinue, sûre, la main de la peur.

3
Va, léger mécompte, l’angoisse se dompte
Et le sang remonte orgueilleux et vif
Doigt sur la gâchette, le soldat furète
Et par la nuit guette d’un œil attentif.

4
Les canons rugissent, Les balles ratissent
Les abris gémissent sous les coups du fer,
Et plus cela barde, et plus l’on bombarde
Plus belle est la garde au bord de l’Yser.

5
Clarté fulgurante, fleur éblouissante,
Traînée sanglante dans le ciel tout noir,
C’est une fusée qui monte irisée,
De l’enfer lâchée comme un feu d’espoir.

6
Alors tout se fige, alors Ô prodige,
Par le seul prestige de cet œil ouvert,
Tous les nerfs se tendent, les âmes se bandent,
Et les cœurs attendent l’holocauste offert.

7
Mais le vent se lève, là-bas vers la grève
Il assaille et crève le manteau des cieux,
Des nues s’affaissent, fuient, se dépècent,
Des étoiles naissent en clignant des yeux.

8
Et soudain, près d’elles, de lugubres ailes,
Des ailes mortelles, passent en vrombissant
Quelques gothas passent, ils passent voraces,
Jalonnant sa trace de flaques de sang.

9
Et le temps s’enroule et la mort se saoule
Du sang qui s’écoule en flots monstrueux,
Grisée de tumulte, la camarde exulte,
Et son geste insulte aux plus valeureux.

10
Elle arrive, lente, lâche, patiente,
Immonde, démente, implacable hélas,
Et sa main fantasque, dédaignant le casque,
Glisse sous le masque le poison des gaz.

11
Enfin l’accalmie, une voix amie,
Une voix bénie s’élève soudain,
Le gnasse taciturne sent dans l’air nocturne
Le clocher de Furnes qui s’émeut lointain.

12
Il s’émeut, et chante la chanson vivante,
Pleure de détente du prochain éveil,
La nuit se lézarde, l’aube naît blafarde,
Finie est la garde, voici le soleil.

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